Un bon angle, avec Marc Beaugé, rédacteur en chef de Society

angle journalistique

Comprendre ce qu’est un bon angle, comment le trouver et comment le tenir dans son papier : l’exemple du quinzomadaire Society.

 

Je m’appelle Marc Beaugé, je suis rédacteur en chef de Society et mon métier consiste à trouver des angles notamment pour les articles.

Finalement, un article c’est l’addition d’une thématique, d’un journaliste et d’un angle. On peut trouver assez facilement des thématiques intéressantes. On trouve parfois des bons journalistes. Mais les angles, il faut les chercher et les trouver et c’est une mécanique intellectuelle pas facile et à chaque fois différente. Il n’y a pas de recette pour trouver un angle. Mais s’il n’y a pas d’angle, il n’y a pas d’article. Il n’y a pas de bon papier sans angle.

Voici l’exemple d’une frustration ou d’un débat qu’on a eu sur un papier autour de Marc Zuckerberg. La rédaction en chef avait l’envie de faire un papier sur Marc Zuckerberg homme politique. Le journaliste ne croyait pas à cet angle. Il est parti sur un angle qu’il a tenté de nous faire passer en douce, qui était comment Facebook a influé sur l’élection américaine.

Ce sont deux angles assez proches, mais ce ne sont pas les mêmes angles. Un papier, c’est un angle précis, qui se tient d’un bout à l’autre de la première à la dernière ligne. S’il n’y a pas ça, il n’y a pas de satisfaction intellectuelle, il n’y a pas un article complet et plaisant.

Chez Society, le choix d’un angle est très instructif. C’est le résultat de plusieurs éléments : du fait que l’on ne soit pas un site Internet d’actu, que l’on n’est pas un quotidien, ni un hebdo. On est un quinzomadaire. On a donc un rythme de publication assez particulier.

Quand un événement éclate partout dans les médias, nous savons qu’il va falloir trouver un angle pour le couvrir parce qu’on va arriver 10 jours après. Du coup il faut qu’on soit assez décalé, et c’est pour cela que l’on est obligé de trouver des angles. Mais on a des ressorts. Lorsqu’il y a un événement majeur, on va se mettre à chercher l’acteur de l’ombre de l’événement. Par exemple, si on couvre la candidature de Fillon, on va aller chercher, la personne de l’ombre dont personne n’a parlé et faire son portrait.

Si quelqu’un décède par exemple, comme Prince, David Bowie ou Jacques Chirac, on cherche à raconter l’homme. Comme par exemple, le jour où Jacques Chirac est allé au salon de l’agriculture et où il est devenu l’idole des agriculteurs.

Les angles, c’est une vraie gymnastique. Un vrai challenge. Et je crois que c’est le vrai métier du rédacteur en chef.

Par ailleurs il y a une astuce. Quand on écrit le chapeau de l’article, si on n’arrive pas à le rédiger, c’est que l’angle n’est pas bon.

Par exemple, le chapeau de Zuckerberg, n’est pas bon. Moi, j’aime bien écrire les chapeaux, c’est mon truc. J’ai senti que quand on veut mettre deux articles dans un chapeau, c’est bancal. Il faut alors en parler avec le journaliste.

Un bon angle, c’est un angle serré qui raconte large : une petite histoire qui dit la grande.

Autre exemple : cela faisait longtemps que l’on voulait faire un sujet sur les agriculteurs. On ne trouvait pas vraiment l’histoire. Jusqu’au jour où on nous a raconté l’histoire d’un éleveur de 37 ans qui était devenu très hostile au contrôle vétérinaire. Un jour, un contrôle vétérinaire a dégénéré. La police est venue et il a frappé un policier. L’éleveur a pris la fuite en voiture et après 2-3 jours de poursuite, il s’est fait tuer par les policiers. Cet angle-là nous a permis de raconter une histoire, un fait divers, mais aussi au-delà, un mal-être global. Dans le papier, il y avait des décrochages autour des rassemblements suscité par ce décès et on avait à la fois, un faits divers et un papier analytique sur la crise du monde agricole. Je trouve que là, il y avait un angle pour raconter ce fait divers et à travers lui, l’histoire de la crise agricole.

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