L’année qui s’ouvre comporte son lot d’incertitudes, oscillant entre guerre, pandémie et changements de propriétaires de grands acteurs du numérique. Sans parler des tendances de fond de numérisation des rédactions et de la nécessité de créer de nouveaux formats pour rester en lien avec une audience mouvante. A quoi pourrait ressembler le journalisme en 2023 ? On essaie de faire le point (sans boule de cristal).

A quoi ressemblera le journalisme en 2023 ?

En 2023, le journalisme fera face à des défis déjà connus mais loin d'être relevés.

L’année qui s’ouvre comporte son lot d’incertitudes, oscillant entre guerre, pandémie et changements de propriétaires de grands acteurs du numérique. Sans parler des tendances de fond de numérisation des rédactions et de la nécessité de créer de nouveaux formats pour rester en lien avec une audience mouvante. A quoi pourrait ressembler le journalisme en 2023 ? On essaie de faire le point (sans boule de cristal).

1. Incertitudes

Malgré son fracassant rachat par Elon Musk, Twitter n’a pas été déserté. Aucun autre réseau ne semble pour l’heure capable de le remplacer. Twitter est critiqué de toutes parts et de manière fort légitime. Pourtant, il reste un outil essentiel pour les journalistes. Qu’il s’agisse de la veille, de la recherche d’information précise, de sources, de témoignages, d’idées de sujets et d’angles. Un réseau concurrent pourrait-il émerger ? Gardant la nervosité, l’instantanéité de Twitter pour suivre le breaking news tout en gommant l’aspect foire d’empoigne et contenu haineux ?

Incertitude aussi quant à la viabilité économique des médias. C’est toujours la même histoire depuis des années, même si en 2023 le choix de l’abonnement payant semble plus que jamais la grande solution sur laquelle miser. L’heure du tout gratuit sur Internet est définitivement révolu, mais c’est un changement culturel qui, en France, prend plus de temps. A la différence de nombreux pays anglosaxons et nordiques notamment, l’audience en France n’a pas encore pris l’habitude de payer pour le news. Initiative rare et militante, celle de Vert, le média écologique fondé en 2020 qui propose une newsletter à prix libre et des dons pour soutenir la structure. Structure qui a cru plus vite que prévu en 2022, portée par une thématique devenue incontournable et un travail éditorial très recherché.

2. Nouveaux formats et nouvelles audiences

De plus en plus de médias se sont lancés en 2022 sur les nouveaux réseaux sociaux : Twitch et TikTok en tête. Avec pour vertu un regain de créativité et un soin tout particulier apporté au dialogue avec l’audience. Cet échange permanent avec l’audience qui est devenu si difficile pour les médias traditionnels. Twitch utilise comme arme principale le tchat en ligne et en direct qui permet au viewers de s’exprimer et à l’host de garder le contrôle en choisissant les commentaires sur lesquels rebondir. Résultat doublement efficace : on profite de l’interactivité du live et du web sans perdre de rythme (qui fait penser à une radio libre). Le mélange détonne et fonctionne bien. L’expérience de France info sur ce format est à ce titre intéressante même si, plus globalement, l’écueil de refaire de la télé en moins bien n’est jamais loin.

Pour TikTok, c’est un peu différent. C’est davantage la pédagogie qui est à l’honneur. Ces formats vidéos courts laissent la place à une créativité, un ton et une audace qui ont disparu des JT. Le Monde est un très bon exemple de la créativité mise au service de la pédagogie. Saluons aussi le compte de France 3 Bretagne dont une partie des contenus est assurée par un ancien participant du parcours Devenir Journaliste du CFPJ, Benoit Thibault. Un moyen de renouer avec une audience jeune et avec la base du journalisme : expliquer des choses complexes de manière simple. Mais dans les deux cas, ces plateformes nous rappellent qu’en pédagogie comme en journalisme, la forme et le fond sont les deux faces d’une même pièce. Peut-être peut-on voir ici des inspirations ou des pistes de réflexion pour les médias plus traditionnels.

3. Intelligence artificielle

L’intelligence artificielle va-t-elle mettre les journalistes au chômage ? Question qui est revenue régulièrement en formation ces derniers mois, posée par des publics différents et souvent non journalistes qui voient le déploiement de cette technologie avec un mélange de méfiance et de fascination. Et, de fait, depuis quelques temps, à chaque mois son IA ! On peut toutefois souligner que l’IA reste un outil et qu’il revient donc aux journalistes de s’en saisir ou non, avec une potentielle utilité dans le tri, la recherche de sources, les petits travaux quotidiens qui empêchent de travailler des sujets plus longs. Certes, on peut imaginer des IA suffisamment performantes pour produire des articles courts mais le reportage de terrain reste la marque du journalisme.

De la même manière, un journaliste aura une capacité d’analyse et de prospective pour raconter ce qui se passe à l’instant T ou ce qui est sur le point de se produire, infiniment plus forte qu’une intelligence artificielle. Dans The Conversation, le professeur de journalisme Patrick White rappelle aussi que « Francesco Marconi, qui a dirigé les Médias Lab du Wall Street Journal et de l’Associated Press (AP) estime que 8 à 12 % des tâches actuelles des reporters seront assumés par des machines » à terme. Conséquence : cela va permettre recentrer le travail des éditeurs et journalistes vers le contenu à valeur ajoutée : longs formats, grandes entrevues, analyses, journalisme de données, journalisme d’enquête. Rappelons enfin que l’IA ne vient pas de nulle part mais qu’elle vient bien de nous et qu’elle va donc porter nos propres biais. Ce qui doit surtout nous inviter à réfléchir sur nos propres pratiques.