Comment lancer un média en 2023 ? C’est la question que se pose Florian Velter, invité du CFPJ, qui cofonde un nouveau média : Origami, spécialisé dans le jeu vidéo. Porté par une campagne de crowdfunding retentissante, le projet est un passionnant laboratoire pour voir comment, en 2023, un nouveau média peut émerger. Supports, ligne éditoriale, modèle économique, plateformes, composition de la rédaction. Origami promet d’expérimenter et va chercher l’innovation un peu partout.

« Pour nous, le site internet appartient à une époque révolue »

L'équipe qui a fondé Origami

Comment lancer un média en 2023 ? C’est la question que se pose Florian Velter, invité du CFPJ, qui cofonde un nouveau média : Origami, spécialisé dans le jeu vidéo. Porté par une campagne de crowdfunding retentissante, le projet est un passionnant laboratoire pour voir comment, en 2023, un nouveau média peut émerger. Supports, ligne éditoriale, modèle économique, plateformes, composition de la rédaction. Origami promet d’expérimenter et va chercher l’innovation un peu partout.  

Origami est encore en fabrication et devrait arriver à la rentrée de septembre. Mais arriver où ? Sur quels supports ?

Nous, on veut aller chercher les gens là où ils sont. Donc nous avons pensé un média protéiforme. Avant tout vidéo, c’est un point commun aux 5 fondateurs avec une chaine sur Twitch qui va faire tourner des rendez-vous réguliers. Il y aura aussi de la vidéo en format court, plus rapide à consommer pour Instagram, Tik Tok qui sont des plateformes où notre média précédent (Gamekult) n’était pas forcément très présent. Cela permettra de retrouver une audience plus jeune. Nous allons également faire du podcast et également de l’écrit car c’est essentiel même si on réfléchit encore aux formats et aux canaux de diffusion. On réfléchit par exemple à la newsletter. L’idée serait en tout cas d’avoir quelque chose de décentralisé avec des formats variés et qui s’adapteront au sujet traité et à la plateforme investie.

Là où, pendant longtemps, on partait d’un site et on déclinait les contenus pour convenir aux autres plateformes, ici on a l’impression que c’est l’inverse : on produit des contenus adaptés à chaque plateforme et tous se retrouveront sur un site « vitrine » ?

C’est exactement ça. Nous voyons Origami comme un labo, un espace de création. Nous allons tenter des choses, essayer des formats. Si on veut pouvoir proposer des choses nouvelles, il faut les tenter. On tente, on regarde ce que ça donne et ensuite on ajuste. C’est vrai qu’avant le site était pivot, aujourd’hui pour nous le site internet appartient à une époque un peu révolue. C’est lourd, c’est couteux à entretenir, il y a toujours des problèmes, des incompatibilités, c’est un chantier permanent et nous, on avait cette question : est-ce que ça correspond encore à la manière dont les gens accèdent à l’info ? Pour nous, penser aux plateformes d’abord est synonyme de souplesse. Et puis il y a un écho avec le financement participatif, cette notion de rapport direct qui se met en place. Donc, bien sûr le site existera et condensera des contenus mais il ne sera pas la base de tout. On s’adapte à une nouvelle consommation de l’info. Et même le fait d’avoir un site, ce sera vraiment pour être présent mais clairement pas le pivot de notre politique.

Niveau financement, ça coute cher un média… Vous êtes passé par le financement participatif et ensuite, quel modèle ? Pub ? Pas pub ?

Le modèle de la pub est voué à mourir. La pub sur Internet ne rapport plus rien même sur Youtube et autres. Cela pose aussi des biais pour nous en tant que journaliste et le secteur du jeu vidéo en a beaucoup souffert, à l’image du secteur automobile car l’essentiel des pubs vient des acteurs du milieu eux-mêmes. Ce qui pose un problème d’indépendance. Conséquence : on ne veut pas continuer comme ça. La pub, c’est non. Pour le modèle durable on en est venu à une hybridation : un média accessible gratuitement et on aime bien l’idée que ce soit une info accessible au maximum de monde. Et dans le même temps, on va beaucoup s’appuyer sur des abonnements de soutien, via Patreon. Des abonnements qui offriront quelques bonus (making off, sketch) mais qui seront vraiment davantage des dons de soutien. On pense que ça va marcher. Nous pensons que le public est assez mature pour comprendre ça. L’idée est de dire : si vous voulez qu’on existe, soutenez-nous. On mise là-dessus aussi parce que la presse Jeux Vidéo va mal, rares sont les titres de qualité encore viables. Surtout sur Internet. Raison pour laquelle notre démarche a du sens.

Qui va composer cette rédaction ? Que des journalistes ? Ou bien aussi des producteurs et productrices de contenu ?

Evidemment que la question de l’influence se pose. Moi je n’aime pas les influenceurs qui sont là pour vendre. Ce n’est pas notre démarche et ces gens-là ont empiété sur notre terrain. Dans le jeu vidéo, mieux vaut payer un influenceur pour dire du bien plutôt que soumettre aux journalistes sa production qui peuvent la critiquer durement. Nous, on veut élargir à d’autres métiers, d’autres profils à partir du moment où les valeurs, l’éthique, la déontologie de ces gens n’est pas problématique. Nous voulons ouvrir l’écosystème du jeu vidéo.

Et quelle sera la ligne éditoriale ?

L’idée est de parler du jeu vidéo en un sens large. Le jeu vidéo c’est une industrie qui pèse plus lourd que le cinéma, il faut en parler. Le jeu vidéo est un sujet culturel, social, sociétal, économique, ce sont des studios, des éditeurs, des créateurs. C’est de tout cela dont nous voulons parler en incluant la dimension culturelle populaire. Et puis, parallèlement, nous allons garder quelques figures imposées comme la critique de jeux vidéo qui reste incontournable et plaisante à faire aussi.

On a parlé de cette campagne de financement participatif qui se dirige vers les 200 000 euros (barre symbolique dépassée depuis, ndlr), donc un franc succès… A quoi ça va servir ?

Payer les gens, déjà. C’est une bonne base. Et puis payer les locaux. Nous tenions à avoir une rédaction, un studio à nous. Donc cela va nous permettre de payer ces infrastructures pour faire nos émissions, nos directs, nos vidéos et pouvoir se retrouver dans une rédaction, ensemble.

Un dernier mot sur l’inclusivité. Je note que vous communiquez beaucoup en utilisant l’écriture inclusive. C’est un élément important ?

Capital. Parler à tout le monde est fondamental et c’est ce que nous n’avons parfois pas assez fait par le passé. Montrer une diversité de genre, d’origine aussi est essentiel. Même si nous ne sommes pas exemplaires puisque sur les 5 fondateurs, il n’y a qu’une femme. Mais nous promettons de travailler là-dessus et de progresser très très vite.On continuera à écrire en écriture inclusive pour que tout le monde se retrouve dans notre média et on espère avoir des profils différents, des gens qui n’ont pas eu suffisamment la parole, faire sortir le projet de terre pour pouvoir grandir ensuite.