La télévision française peine encore aujourd’hui à montrer toute la diversité de la société française. Malgré les recommandations de l’Arcom (l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), les choses évoluent lentement. Qu’il s’agisse de divertissement ou d’information, la télévision ne montre pas la France telle qu’elle est. Et c’est un problème.
Pour s’informer, la TV était un moyen d’info pour 84% des français en 2013… On est à 64% 10 ans plus tard. La télévision reste le 1er médium d’info dans le pays, mais tout juste devant Internet (sans compter les médias sociaux). Evidemment, la télévision reste un média fort et prescripteur, bien au-delà du news même si sur une photographie de long terme, on note une érosion des audiences. La télévision a notamment perdu le public jeune, comme de nombreux médias traditionnels, qu’elle peine à reconquérir aujourd’hui.
La télé représente-t-elle la France de 2023 ?
Cette question, c’est l’Arcom qui se l’est posée dans un récent rapport sur la représentation de la société française dans les médias en 2022. Premier élément notable, la part des femmes qui s’expriment à l’écran augmente faiblement au fil des années : 39% des « premiers rôles » à l’écran sont des femmes ou personnes perçues comme femmes. Un taux légèrement plus élevé au sein des chaines historiques. Ce chiffre baisse fortement dès lors que ces femmes se trouvent à l’intersection de plusieurs critères de discrimination (handicap, origine, âge, etc). L’Arcom conclue : « Parmi les personnes perçues en situation de handicap sur les antennes, seulement 25 % sont des femmes par exemple ; parmi les 50-64 ans, elles représentent seulement 29% des personnes indexées »
Handicap : la télé française loin du compte
En France, d’après les chiffres du ministère des solidarités, 13% de la population déclare avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive. Un chiffre à mettre en parallèle avec le petit 1% de personnes handicapées vues à la télé en 2022. C’est dans les fictions qu’on note majoritairement la présence de personnes handicapées.
Représentation des personnes non-blanches
Les personnes perçues comme « non-blanches » ont été représentées à hauteur de 15% à la TV en 2022 (+1 point par rapport à 2021). L’Arcom ajoute : « leur présence sur les chaînes d’information en continu apparaît encore particulièrement faible (9%*) malgré les préconisations de l’Arcom formulées pour l’exercice 2021 ».
La présence des populations ultramarines à l’écran continue de baisser ( 1 %*3 du total des personnes indexées). Leur présence est portée à 7 % sur les chaînes de France Télévisions qui s’étaient engagées à ce sujet dans le cadre du pacte de visibilité des Outre-mer.
Il est intéressant de noter que dans la fiction, les personnes non-blanches sont sur-représentées dans des rôles à connotation négative et de plus en plus sous-représentées. La télévision française apparait d’autant plus en retard sur ce point lorsque l’on compare ces chiffres à ceux des plateformes de type Disney+ ou Netflix, où les personnes perçues comme non-blanches sont nombreuses (43%) et beaucoup moins assignées à des rôles négatifs.
Ville contre campagne
A la télévision, la ville est à l’honneur. Mais pas n’importe quelle ville puisque ce sont les centres-villes historiques qui sont le plus montrés à l’image (51%) à l’inverse des zones péri-urbaines (3%). Et de la même manière, certaines catégories socio-professionnelles sont bien plus représentées que d’autres (les CSP+ à 74% alors qu’ils ne représentent que 28% de la population française).
La télévision est-elle hors du temps ?
On l’a vu en évoquant la représentation des personnes non-blanches , la télévision française est clairement en décalage par rapport aux plateformes américaines de streaming. Et c’est, de fait, la même chose lorsqu’on s’intéresse à la place des femmes, au fait de montrer le handicap. En revanche, qu’il s’agisse de la représentation des séniors ou la diversité de catégories socio-professionnelles, les plateformes ne font pas beaucoup mieux que la télévision française.
L’Arcom suggère à la télé mais aussi aux médias d’engager un travail profond pour changer les représentation et montrer davantage la diversité française. Il est intéressant de noter que si l’Arcom émet cette recommandation c’est également au nom de l’audience. Clairement, selon l’Arcom, la diversité dans les médias est une source d’audience. Le Hollywood Diversity Report réalisé par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) oberser une corrélation entre les audiences réalisées et la diversité montrée à l’écran. Plus les productions font preuve de diversité, plus les audiences semblent être fortes (surtout parmi les publics eux-mêmes issus de ces diversités).
D’autres chercheurs d’UCLA, au Center for Scholars & Storytellers , ont analysé plus de 100 films sortis entre 2016 et 2019. Ils ont suivi les recettes de chaque film aux États-Unis ainsi que leur indice de diversité sur Mediaversity, qui tient compte non seulement de qui travaille sur un film (en termes de genre, de race, d’orientation sexuelle et de statut de handicap), mais aussi de l’authenticité de l’histoire, de sa pertinence culturelle et de son caractère inclusif. Selon cette mesure, des films tels que Coco, Black Panther et Wonder Woman obtiennent de bons scores, tandis que des films comme Joker et Shaft obtiennent de faibles scores. Ils ont constaté que les films classés en dessous de la moyenne en termes de diversité subissent une baisse financière au box-office par rapport aux films classés au-dessus de la moyenne. Même après avoir pris en compte les critiques élogieuses, les films à gros budget qui manquent de diversité rapportent environ 27 millions de dollars de moins lors de leur week-end d’ouverture, avec une perte potentielle de 130 millions de dollars au total.
En France, comme aux Etats-Unis, on retrouve ici des critiques fréquemment formulées aux médias d’information concernant le manque de diversité à la fois à l’antenne mais aussi dans les rédaction. A la lecture du constat de l’Arcom (qui n’a quasiment pas changé depuis plusieurs années), on comprend aussi pourquoi certaines plateformes ont pu se développer si vite. C’est l’exemple de Twitch qui parler à un public jeune et met en scène des jeunes d’origines beaucoup plus variées qu’à la TV.