« Face aux fake news, c’est à chacun d’agir en vigie de l’information dans le vaste océan du numérique »

David Lacombled , IAB, Orange

Rencontre avec David Lacombled, président de La villa numeris, think tank qui promeut l’économie numérique et accompagne les entreprises dans le développement et la valorisation de leurs actifs digitaux ; président de La Station de Saint-Omer ; membre du conseil d’administration du CELSA ; ancien président de IAB France ; ancien directeur délégué à la stratégie des contenus du Groupe Orange. David Lacombled a publié plusieurs ouvrages dont Digital Citizen, Manifeste pour une Citoyenneté Numérique (Plon, 2013). Il se positionne aujourd’hui comme un spécialiste des fake news et œuvre pour que le paysage médiatique français soit vigilant quant à la limitation de leur propagation.

Propos recueillis par Aliénor Rouffet, CEO La Part Des Anges conseil – Communication d’entreprise, formation de managers et dirigeants.

 

 

Ancien journaliste, vous êtes spécialiste des fake news. Pouvez-vous nous rappeler ce que sont, exactement, les fake news ?

Les fake news relèvent d’une volonté de tromper volontairement à des fins mercantiles ou idéologiques. Ces manipulations sont aussi vieilles que l’information. Avec Internet, elles prennent une place grandissante car elles sont plus vite et plus largement partagées.

Internet est un vecteur majeur de l’information. Au sens large : site média, de presse et réseaux sociaux. Six français sur dix s’informent en ligne. Autant que devant la télévision. Et pour les plus jeunes, Internet est le premier canal d’information. Parmi les moins de 35 ans, huit sur dix s’informent sur Internet, deux fois plus que devant la télévision. Et c’est bien pour cela qu’Internet est devenu le terrain stratégique de l’information, de la réactivité, de son amplification. Et aussi de ses manipulations.

Dans les fake news, on retrouve de nombreuses catégories mêlant la xénophobie, l’homophobie, les pseudo-sciences, les extrêmes politiques, le complotisme, etc…

 

Que conseilleriez-vous aux lecteurs, quelle que soit leur source d’information, et notamment aux jeunes lecteurs, pour analyser et détecter des fake news ?

Ne vous contentez pas d’une seule source d’information, quand bien même elle donnerait le sentiment de la profusion et de la diversité, telle que les réseaux sociaux. Agissez en hommes ou femmes de média que vous êtes devenus, rédacteurs en chef de vos propres vies, sachant parfaitement décrypter et utiliser les techniques de communication. Confrontez les informations et les points de vue, acceptez les échanges et les débats, réfléchissez à deux fois avant de partager une information même si elle vous fait rire car en la partageant, vous lui donnez du crédit.

  

Selon vous, est-ce de la responsabilité de chacun, quel que soit son métier, d’avoir un œil critique sur les informations diffusées dans les médias, dans les médias digitaux, sur les réseaux sociaux ?

Chacun est libre de s’exprimer. Cette liberté doit s’accompagner d’une responsabilité accrue de ses faits et gestes. C’est bien à chacun d’agir telle une vigie de l’information dans le vaste océan du numérique. Le propre d’Internet est de créer du lien. C’est la définition même de l’intelligence que de créer des liens entre des choses qui n’avaient peut-être rien à voir. Ce lien doit permettre d’aller plus loin, de découvrir, de s’informer, de s’éduquer et de se divertir aussi.

 

Et qu’elle est la part de responsabilité de chacun dans le relais d’informations erronées, notamment sur les réseaux sociaux, canal de diffusion extrêmement viral ?

La responsabilité est celle d’un passeur qui peut conduire à des incivilités. Partager une blague, de prime abord inoffensive, peut dégrader l’ambiance si elle vient à être partagée à des millions de reprises. C’est un peu comme les dégradations dans l’espace public. Il faut nettoyer les murs au premier tag sinon ils ont vite fait d’être entièrement recouverts.

 

Le rôle des médias est de diffuser des informations, sourcées et vérifiées. Pourtant, les médias sont touchés pour la diffusion des fake news. Comment est-ce possible ?

Les médias se doivent d’agir comme tels et revenir aux basics : aller aux sources de l’information – Google n’est pas une source ; vérifier ces informations, les hiérarchiser et bien les raconter. Leurs lecteurs ont soif d’informations et de compréhension, et leur en seront reconnaissants. Il est vrai que la course à l’audience qui s’impose désormais aussi dans les rédactions, en permanence connectées, ne permet pas toujours de prendre ce recul. Au risque de baisser la garde sur leurs propres exigences. Comme toute marque, les médias peuvent aussi se retrouver sur des sites de fake news, sans l’avoir demandé bien sûr, au gré des achats automatiques de publicité. Et ainsi non seulement les financer mais aussi leur donner du crédit par l’apposition de leurs marques. Charge à eux d’être plus vigilants et de partager les bonnes pratiques en leur sein.

 

Les journalistes et les communicants devraient-ils, presque obligatoirement, être aujourd’hui formés à l’analyse, au repérage et au signalement des fake news ?

Ces dernières années, les choses ont déjà beaucoup évolués. Les journalistes ne prennent plus la parole aussi librement sur les réseaux sociaux en y publiant une information pour voir comment elle revient, comme on pourrait le faire dans une salle de rédaction. Plusieurs médias se sont dotés de services ad hoc, spécialisés dans le repérage et le décorticage. Au-delà, les rédactions gagneraient à échanger plus avec leurs régies publicitaires qui les placent dans un match à front renversé – là où les rédactions veulent être plus incitatives. Les publicitaires aimeraient raconter des histoires et nouer des dialogues –  et plus avec leurs lecteurs, aussi curieux qu’attentifs.

 

Une loi anti-fake news vient d’être votée. Qu’en pensez-vous, que peut-elle apporter ou supprimer ?

On verra à l’usage. Plus les médias prendront à bras le corps ces combats, moins ils auront à craindre d’interventions extérieures. La loi a eu le mérite de placer ce débat à son juste niveau rappelant à chacun le fait que c’est un sujet sérieux.

 

 

 

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