Partager la publication "Ecrire une bonne histoire : épisode 4, du particulier à l’universel"
Etape finale de la série de rentrée du CFPJ autour du storytelling et de ce qu’est une bonne histoire. Où il sera question de détail, de précision et de ce curieux mouvement qui fait que plus on parle du particulier, plus on touche à l’universel.
Ecrire des propos généralistes pour toucher le plus grand nombre. Voilà bien une erreur que j’ai souvent constatée dans mes cours de journalisme. Erreur que j’ai commise de nombreuses fois en tant que journaliste. Après tout, c’est logique : plus je généralise mon propos, plus il peut être compris par le plus grand nombre.
Raté ! Ce qui semblait être une évidence logique s’avère être une illusion d’optique. Plus vous généraliserez votre propos et plus il sera, littéralement, anonyme. Voilà pourquoi de nombreux reportages de presse écrite, en radio comme en télévision, commencent souvent par un plan serré, une description détaillée ou une citation précise au cœur du sujet. Parce qu’ainsi, on entre dans le vif du sujet. Double avantage de démarrer pied au plancher pour capter le lecteur et de se placer immédiatement au cœur du sujet, sans perdre de temps.
Le public s’attache à une histoire par ses détails. Le détail, c’est cet élément saillant qui va rester en mémoire. C’est cet élément qui va entrer en nous et avec lequel nous allons nous lier. Voilà pourquoi le détail, la description, la précision seront toujours essentiels dans une bonne histoire. Et, à rebours de ce que l’on peut attendre, plus on va creuser les détails, plus on va pouvoir se lier avec son audience.
Le poète Aimé Césaire ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit « plus on est nègre, plus on est universel ». Qu’entend-il par-là ? D’abord rappelons que la négritude, chez Aimé Césaire est un concept politique. Son idée est de dire qu’il ne faut pas étouffer les particularismes, les identités, mais bien les célébrer, les valoriser, les questionner, les faire exister pour pouvoir exister au monde. Un récit universel n’est pas un récit qui nie les identités, les particularités, mais au contraire qui les fait rayonner. Un universel n’est riche que de tous les particuliers. Et c’est en creusant les détails, en les soulignant, que l’on va pouvoir parler à tout le monde et être compris de tout le monde. On peut à ce titre voir l’universel comme un déploiement des identités. De ce principe de philosophie politique, on peut aussi en tirer des enseignements pour la constitution de toute histoire. Une bonne histoire va chercher les identité, elle va chercher et creuser le particulier pour le déployer et en faire un récit assimilable par tous, compréhensible par tous et toutes. Contrairement à l’adage, ce n’est pas le diable qui se cache dans les détails, mais bien l’universel.
Si je vous raconte que je suis allé sur le marché pour acheter des fruits, il y a fort à parier que vous ne vous souviendrez plus de cette histoire dans une semaine. Si, en revanche, je vous raconte que je suis allé au marché, que je suis passé devant l’étal de fruits et légumes et que j’ai vu ces framboises qui, enfant, faisaient ma joie et m’ont rappelé mes après-midis de jeu avec ma grand-mère qui m’achetait ces mêmes framboises rouges et sucrées, là, peut-être ai-je une chance d’entrer dans votre mémoire. Car ce récit, plus détaillé va peut-être faire écho avec votre propre expérience. Certains vous se dire « moi je n’aime pas les framboises », d’autres « il m’est arrivé la même chose ». Peu importe. Mais chacun va pouvoir se positionner par rapport à ce récit, va pouvoir l’assimiler, le digérer.
On touche ici au secret d’une bonne histoire et à l’importance des détails. Des détails qui ne sont pas anecdotiques mais bien essentiels. Et ce sont ces détails, ces particularismes et particularités qui vont pouvoir générer des réactions, entrer dans les têtes et les cœurs et, à terme, forger l’universel. Vous pouvez imaginez votre histoire comme une paroi à escalader : chaque détail, chaque particularité, chaque identité bien travaillée, seront autant de prises sur lesquelles s’appuyer.
En conclusion de cette série de rentrée du CFPJ sur ce qui fait une bonne histoire :
- Construire un récit de telle sorte que chaque partie serve le tout et que chaque partie soit essentielle, vitale, à l’ensemble.
- Faire progresser, évoluer son histoire, ses personnages, apporter un supplément d’information à chaque paragraphe.
- Utiliser les émotions non comme une fin mais comme un moyen, un carburant pour toucher les gens et faire passer votre message.
- Soigner l’art du détail et creuser le singulier pour toucher à l’universel.
Voilà les quatre grands points balayés ensemble. Et alors ? Alors vous devriez pouvoir écrire pour être lu, et apprécié ! Enfin… Vous devriez. Mais comme je le disais en introduction, lorsqu’on écrit pour les autres, on s’en remet, en définitive, à leur jugement et à leur regard. Et ce n’est plus vous mais bien le public, l’audience, qui décidera si votre récit est digne d’intérêt. Et c’est peut-être là le plus difficile : faire le deuil de son écrit car on sait que sitôt publié, il ne vous appartiendra plus totalement. A l’image de ces œuvres de street art, recouvertes par d’autres dessins et modifiées par la pluie, le vent et la vie autour. Ecrire pour être lu demande donc du courage. Le courage de tout faire, tout donner pour son lecteur et…de tout lâcher, pour lui.
Pour aller plus loin, le CFPJ vous propose des formations sur ce thème :
- Ecrire court et dense, une formation pour gagner en dynamisme, en efficacité et pouvoir condenser et rendre plus forts ses écrits.
- Améliorer ses écrits professionnels, pour vous accompagner dans la maîtrise de l’écriture dans le cadre de votre travail.
- Réussir son digital storytelling, pour décliner l’art de raconter des histoires sur les médias sociaux