Prise de parole en public : comment aimer son stress

Quelques tremblements, une voix qui chevrote, les mains moites, une transpiration excessive, du mal à déglutir. Aucun doute, vous êtes victime de stress. Ces signes sont désagréables et peuvent brouiller votre prise de parole. Pourtant, le stress nous dit et vous dit quelque chose qu’il faut entendre. Le stress, nous pouvons l’écoutez, le comprendre et… l’aimer.

Commençons par le commencement : qu’est-ce que le stress ? Etymologiquement, le mot nous vient de l’anglais mais ce mot-lui-même prend racine dans la langue française : destrese (détresse) ou ancien français estrece (oppression, étroitesse). Le tout venant du latin stringere (serrer, comprimer). Et les stressés qui me lisent trouveront dans l’étymologie une assez juste définition du terme tel qu’on le définit (et surtout tel qu’on le ressent) aujourd’hui. C’est une sorte de resserrement sous l’effet d’une pression extérieure. Un stress qui serait donc à la fois psychologique mais aussi physique, presque mécanique. On parlera aussi souvent, pour une prise de parole en public, de trac.

« Pourquoi donc le concept de stress a-t-il connu ce « succès considérable » auprès du grand public, à ce point que plus personne aujourd’hui n’est ni surchargé, ni ennuyé, ni débordé, ni contrarié, mais tout le monde est stressé ? » s’interroge le psychologue Alain Lancry dans Incertitude et stress. Mis en comparaison avec ces autres termes, il semblerait que le stress renvoie davantage à une problématique liée à la vitesse, à l’intensité de nos temps post-modernes.

Le stress : une alarme nécessaire

La stress est synonyme de l’entrée de votre corps (et de votre esprit) en )phase d’alerte. L’accélération des rythmes cardiaque et respiratoire en sont un démonstration, le stress vous plonge dans un état de vigilance forte et le corps se prépare à une réaction rapide. Certes, cette ébullition n’est pas agréable puisque c’est elle qui provoque les rougeurs, la transpiration et qui rend votre bouche sèche. Mais, parallèlement, cette alerte sonne la mobilisation des muscles et du cerveau avec un afflux sanguin et un apport accru en oxygène. Et puis on note aussi une augmentation de l’adrénaline et des corticoïdes dans le sang.

Parmi les causes du stress, notons la récurrence de plusieurs éléments isolés ou mélangés : un sentiment d’avoir peu de contrôle, l’imprévisibilité, la nouveauté ou bien le sentiment d’être menacé. « L’incertitude est de tous les tourments le plus difficile à supporter » écrit Alfred de Musset dans La Confession d’un enfant du siècle. Oui, l’incertitude est un moteur fondamental du stress et par extension de l’angoisse ou de l’anxiété.

Gérer le stress

Pour gérer le stress on va surtout essayer de déployer des stratégies pour réguler, pour normaliser des états émotionnels forts. Chacun ayant une relation différente au stress, on trouvera donc une grande variété de stratégies. On ne saurait toutefois trop insister sur la dimension physique : relâchez vos muscles. Sautillez, faites des étirements, courez sur place. Bref, déchargez cette tension qui est en vous. Cette contraction musculaire est primordiale pour porter la voix, pour tenir debout, pour affronter l’exercice de la prise de parole, certes, mais vous devez lâchez du lest.

D’autant qu’une cage thoracique contractée aura toujours tendance à comprimer les poumons et à limiter la quantité d’air inspirée. Or, l’air dans vos poumons est essentiel pour que le système s’auto-régule mais aussi pour porter la voix. Comme pour un sportif de haut niveau, vous devrez vous échauffer avant l’effort : faites des vocalises, chauffez votre voix, votre corps. Car, on l’oublie trop souvent, prendre la parole en public est un exercice physique.

Donc concrètement, que faire ?

On peut agir sur le corps :

  • S’étirer, sautiller, pour détendre les muscles
  • Respirer profondément pour calmer le rythme cardiaque, faire le plein d’air dans les poumons
  • Parler, chauffer les cordes vocales, répéter le début de son texte (pensez d’ailleurs à faire votre intervention en intégralité à voix haute plusieurs fois avant)

On peut agir sur l’esprit :

  • Analyser : qu’est-ce qui me fait peur ? de quoi suis-je responsable ? Et, surtout, sur quels éléments je dois accepter que je n’ai pas de prise ?
  • Agir : travailler. C’est-à-dire faire tout ce qui est en son pouvoir pour réussir. Au-delà de cette limite, accepter qu’on ne peut pas faire grand-chose. Remettre donc la responsabilité au bon endroit.
  • Expérience : tisser des liens avec des expériences vécues, essayer de comprendre ce qui a marché ou non précédemment pour le reproduire (ou non).
  • Partager : le stress, comme toute émotion, se partage. Et là où la joie partagée s’amplifie, le stress partagé baisse. C’est aussi l’enseignement des études scientifiques vues précédemment. Ne restez pas seuls avec le stress.
  • Jouez un rôle : créez-vous un personnage qui vous ressemble mais qui vous servira de bouclier pour monter sur scène.
  • Pensez aux autres : on a toujours tort de faire long et toujours raison de faire court. Si vous n’avez besoin que de 2mn pour exposer votre point, prenez ces 2mn. N’en rajoutez pas.

On peut enfin agir sur son discours ou son texte :

  • Phrases courtes : si vous redoutez d’avoir le souffle court, prévoyez des phrases courtes et une ponctuation bien placée pour pouvoir reprendre votre respiration régulièrement sans difficulté.
  • Mise en scène : selon le contexte, vous pouvez mettre en scène votre propre stress, le partager avec l’audience. Ce qui apparaitrait de prime abord comme une faiblesse, ainsi révélée et assumée passerait presque pour une force ou, du moins, une forme de courage.

Aimer le stress

L’enjeu, vous le comprenez, ne sera pas d’avoir pour but de faire disparaitre le stress. Mais plutôt de l’encadrer, de reconnaître sa présence et de l’utiliser, d’une certaine manière. De le contenir pour qu’il ne déborde pas. Mais certainement pas de le faire disparaitre. D’abord parce que c’est presque impossible et ensuite parce que ce n’est pas souhaitable. Parler devant un public, ce n’est pas anodin et il est donc normal d’en tirer un stress.

Voyez le stress pour ce qu’il est : une tension nécessaire. A l’image de la corde d’un arc qui doit être suffisamment tendue pour projeter la flèche loin vers la cible.

Aimer le stress ou, du moins, l’accepter. Mais l’acceptation n’est-elle pas l’autre mot pour désigner l’amour ? Inspirons-nous à ce titre des philosophes stoïciens, porteurs d’une doctrine de l’acceptation des événements que nous vivons et qui passe par le contrôle de nos réactions, avec une stricte conscience de ce qui dépend de nous et… de ce qui nous échappe. Soyons comme l’arc et la lyre : nous ne pouvons exister sans tension et c’est dans l’équilibre des tensions que surgit l’harmonie. C’est donc aussi une affaire de réglage, de modulation. Le stress vu et vécu comme un outil et non plus une pression que l’on subit.

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